L 'H U I S S I E R
DU TRESOR PUBLIC
N° 61 :
JANVIER 2005 : Bulletin
d'informations authentiquement professionnel, édité par le Syndicat des
Huissiers du Trésor Public. Directeur de la Publication : G. LABERGERIE - ISSN
: 1163-7811 - N° de Commission Paritaire : 3610D73S -Imprimé au siège - Dépôt
Légal : janvier
2005
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Je me dois en ce
début d’année 2005 d’exprimer à chacune et à chacun de nos adhérents,
de nos lecteurs et de nos collègues, mes vœux de bonheur, de santé et de
prospérité. Et je le fais bien volontiers, au nom du SHTP et à titre
personnel.
La vérité
m’oblige à dire que 2005 offre des perspectives inquiétantes.
De source généralement
bien informée, comme l’on dit au Quai d’Orsay, il n’y a rien à attendre
au niveau statutaire en 2005. Pour des raisons de calendrier, paraît-il.
Il n’y a rien
de pire que les calendriers, sauf les boussoles.
Pour ce qui est
de perdre du temps dans le règlement de notre dossier, les calendriers en font
foi. Des échéances avaient été fixées au 1er janvier 2003… En
matière statutaire et de réforme des indemnités d’actes.
Quant aux
boussoles, chacun sait qu’elles indiquent le Nord.
On peut se
demander si notre Administration ne l’a pas perdu. Vous en jugerez à la
lecture des textes qui suivent et de leur analyse.
A la faveur du
vote de la loi de finances rectificative, les gouvernements ont pris
l’habitude de faire voter certaines dispositions législatives plus ou moins
populaires, qui n’ont qu’un rapport très éloigné avec le budget, que
l’on appelle « des cavaliers budgétaires ».
Vous
comprendrez, j’en suis persuadé, qu’il ne faut pas confondre les « cavaliers
budgétaires » dont il s’agit ici avec le « Cavalier Blanc »
de l’Apocalypse, encore que les perspectives qu’ils ouvrent s’apparentent
plus à l’Apocalypse qu’au Paradis, pour le Trésor Public et ses agents, et
en particulier pour les Huissiers du Trésor Public… Jugez-en :
La loi de Finances rectificative publiée au J.O. du 31 décembre 2004, institue, dans ses articles 63 et 128 :
- une opposition à tiers détenteur pour le recouvrement des produits locaux et des amendes ;
- un droit de communication pour le recouvrement de ces mêmes produits ;
- le recours PREALABLE AUX HUISSIERS DE JUSTICE avant la mise en œuvre de l’OTD et LA POSSIBILITE DE REPERCUTER LEURS FRAIS SUR LES DEBITEURS, par exception aux dispositions de l’article 1912 du Code Général des Impôts, dans des conditions qui seront fixées par Décret en Conseil d’Etat.
Malgré tous les discours rassurants que notre Administration ne va pas manquer de nous tenir et que l’on entend déjà, la boucle est bouclée et voici pourquoi.
En permettant aux Huissiers DE JUSTICE de « se payer sur la bête » selon l’expression sinistrement consacrée, l’Etat fait l’économie des frais de poursuites et le bonheur des Huissiers de Justice. C’est astucieux, mais l’astuce sera de courte durée. Elle ne pénalisera que les débiteurs les plus honnêtes, qui sont aussi souvent, il faut bien le dire, les plus démunis, qui auront à supporter les frais d’huissiers de Justice en plus de leurs frais de cantine ou de garderie, ou d’hôpital. Les mieux organisés n’auront qu’à attendre l’OTD.
Deuxième raison, l’Administration en se calquant sur le « droit commun », ouvre la porte au recouvrement des Amendes Pénales par les Greffiers en Chef, qui le revendiquent depuis plus de trente ans et qui pourraient ainsi bénéficier, gratuitement pour l’Etat, du service des Huissiers de Justice… N’oublions pas que les Amendes pénales sont recouvrées « Au nom du Procureur de la République ».
En matière de produits locaux, même combat. Pourquoi l’Ordonnateur, qui a rendu le titre exécutoire, ne le transmettrait-il pas directement à l’Huissier de Justice avec lequel il aurait passé une convention ? Le comptable public ne serait plus qu’un rouage inutile que le Crédit Agricole ou toute autre Banque pourrait remplacer, à condition que les fonds de la collectivité soient déposés sur ses comptes…
Bien sûr, dans cette perspective, les Huissiers et
Comptables du Trésor Public pourront mieux se consacrer au recouvrement des impôts
directs, en attendant la retenue à la source, qui comme chacun fait semblant de
le croire, n’est pas pour demain. A moins que le législateur, dans sa
sagesse, lui préfère le système de l’affermage… moins onéreux pour l’Etat.
A cet égard, la sémantique peut nous aider à
comprendre bien des choses.
Nous sommes passés, sans nous en rendre compte, de la
« contribution » (volontaire et proportionnelle), à « l’impôt »
(qui n’est ni libre ni volontaire et qui n’est « proportionnel »
que pour ceux qui ont les moyens légaux de s’en dispenser), aux « Prélèvements
Obligatoires », qui constituent la forme la plus achevée et indolore du
servage.
Par la grâce du Gouvernement de Monsieur RAFFARIN, qui
semble décidément plus à l’aise dans le rôle du Père Fouettard que dans
celui du Père Noël, la corvée a été restaurée avec la suppression du lundi
de Pentecôte comme jour férié.
Avec la loi de finances rectificative, voici le rétablissement
de la Ferme Générale.
Bravo Mesdames et Messieurs les Fonctionnaires :
vous avez bien mérité de la Patrie, vous êtes sur la bonne voie, celle du
garage.
Mais, rassurez-vous : vous n’y serez pas seuls, il va y avoir du monde !
Président du S.H.T.P.
Article 63
L'article L. 1617-5 du code général
des collectivités territoriales est complété par seize alinéas ainsi
rédigés
« 5° Le recouvrement par les
comptables directs du Trésor des titres rendus exécutoires dans les conditions
prévues au présent article peut être assuré par voie d'opposition à
tiers détenteur adressée aux personnes physiques ou morales qui détiennent
des fonds pour le compte de redevables, qui ont une dette envers lui ou qui lui
versent une rémunération.
« Les comptables directs du Trésor chargés du recouvrement de ces titres
peuvent procéder par la voie de l'opposition à tiers détenteur lorsque les
sommes dues par un redevable au même poste comptable sont supérieures à un
montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, pour chacune des catégories de
tiers détenteur.
« Le comptable public chargé du recouvrement notifie cette opposition au
redevable en même temps qu'elle est adressée au tiers détenteur.
« L'opposition à tiers détenteur emporte l'effet d'attribution immédiate, prévu
à l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures
civiles d'exécution, des sommes saisies disponibles au profit de la collectivité
ou de l'établissement public local créancier à concurrence des sommes pour
lesquelles l'opposition est pratiquée.
« Sous peine de se voir réclamer les sommes saisies majorées du taux d'intérêt
légal, les fonds doivent être reversés dans les trente jours qui suivent la réception
de l'opposition par le tiers détenteur auprès du comptable chargé du
recouvrement.
« L'opposition à tiers détenteur peut s'exercer sur les créances
conditionnelles ou à terme : dans ce cas, les fonds sont versés au comptable
public chargé du recouvrement lorsque ces créances deviennent exigibles.
« Lorsqu'une même personne est simultanément destinataire de plusieurs
oppositions à tiers détenteur établies au nom du même redevable, elle doit,
en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces oppositions en proportion de
leurs montants respectifs.
« Si les fonds détenus ou dus par le tiers détenteur sont indisponibles entre
ses mains, ce dernier doit en aviser le comptable chargé du recouvrement dès
la réception de l'opposition.
« Les contestations relatives à l'opposition sont introduites et instruites
dans les conditions fixées aux 1° et 2° du présent article.
« 6° Les comptables directs du Trésor chargés du recouvrement d'une créance
assise et liquidée par une collectivité territoriale ou ses établissements
publics peuvent obtenir sans que le secret professionnel ne puisse leur être
opposé, les informations et renseignements nécessaires à l'exercice de cette
mission.
« Ce droit de communication s'exerce quel que soit le support utilisé pour la
conservation de ces informations ou renseignements.
« Les renseignements et informations communiqués aux comptables visés au
premier alinéa sont ceux relatifs à l'état civil des débiteurs, à leur
domicile, aux nom et adresse de leur employeur et des établissements ou
organismes auprès desquels un compte de dépôt est ouvert à leur nom, aux nom
et adresse des organismes ou particuliers qui détiennent des fonds et valeurs
pour leur compte, à l'immatriculation de leur véhicule.
« Ces renseignements et informations peuvent être sollicités auprès des
collectivités territoriales et de leurs établissements publics locaux, des
administrations et entreprises publiques, des établissements et organismes de sécurité
sociale, ainsi que des organismes ou particuliers assurant des prestations de
services à caractère juridique, financier ou comptable, ou la détention de
biens ou de fonds pour le compte de débiteurs.
« 7° Lorsque la dette visée au 5° est supérieure au montant mentionné au
deuxième alinéa du 5° et que le comptable direct du Trésor est autorisé par
des dispositions législatives ou réglementaires à procéder au recouvrement
forcé d'une créance, ce comptable doit, préalablement à la mise en oeuvre
de l'opposition à tiers détenteur, demander à un huissier de justice
d'obtenir du débiteur, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, qu'il
s'acquitte entre ses mains du montant de sa dette.
« Dans ce cas, les frais de recouvrement sont versés directement par le
redevable à l'huissier de justice.
« Le montant des frais perçus par l'huissier de justice est calculé par
application d'un taux proportionnel au montant des sommes recouvrées, fixé par
un arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
et du ministre de la justice. »
Article 128
I. - Lorsque le comptable du Trésor
public est autorisé par des
dispositions législatives ou
réglementaires à procéder au recouvrement forcé d'une créance ou d'une
condamnation pécuniaire, il peut, préalablement à la mise en oeuvre de toute
procédure coercitive, demander à un huissier de justice d'obtenir du débiteur
ou du condamné qu'il s'acquitte entre ses mains du montant de sa dette ou de sa
condamnation pécuniaire.
Les frais de recouvrement sont versés directement par le débiteur ou le
condamné à l'huissier de justice.
Le montant des frais, qui restent acquis à l'huissier de justice, est calculé
selon un taux proportionnel aux sommes recouvrées fixé par arrêté conjoint
des ministres chargés des finances et de la justice.
II. - Le recouvrement par le Trésor public des amendes et condamnations pécuniaires
peut être assuré par voie d'opposition administrative adressée aux
personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte du
redevable, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération.
1. Le Trésor public notifie cette opposition administrative au redevable en même
temps qu'elle est adressée au tiers détenteur.
2. Le destinataire de l'opposition administrative est tenu de rendre les fonds
qu'il détient indisponibles à concurrence du montant de l'amende ou de la
condamnation pécuniaire.
L'opposition administrative emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à
l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures
civiles d'exécution.
Les fonds doivent être reversés, dans les quinze jours qui suivent la réception
de l'opposition administrative, par le tiers détenteur au Trésor public sous
peine de se voir réclamer cette somme majorée du taux d'intérêt légal. Le
paiement consécutif à une opposition administrative libère à due concurrence
la personne qui l'a effectué à l'égard du redevable de l'amende ou de la
condamnation pécuniaire.
3. L'effet de l'opposition administrative s'étend aux créances conditionnelles
ou à terme. Dans ce cas, les fonds sont versés au Trésor public lorsque ces
créances deviennent exigibles.
Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions
administratives établies au nom du redevable, elle doit, en cas d'insuffisance
des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs. Si
les fonds détenus ou dus par le destinataire de l'opposition administrative
sont indisponibles entre ses mains, il doit en aviser le Trésor public dès sa
réception.
L'exécution par le destinataire d'une opposition administrative, fondée sur un
titre exécutoire, n'est pas affectée par une contestation postérieure de
l'existence, du montant ou de l'exigibilité de la créance. Dès réception de
la décision portant sur la contestation, le Trésor public, s'il y a lieu,
donne une mainlevée, totale on partielle, de l'opposition administrative ou
rembourse les sommes dues au redevable.
4. Les contestations relatives à l'opposition administrative doivent être
adressées à l'administration dont dépend le comptable qui a exercé cette
poursuite.
5. L'article 7 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier est abrogé.
6. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
II.
L'article 63 institue l’O.T.D pour les produits
locaux sur le modèle de l’A.T.D (nous
vous avions tenu informés le 13 décembre
sur notre site Internet). La saisie attribution, notamment auprès des C.A.F a
donc vécu.
La procédure se double d'un droit de communication
au profit des comptables publics.
L'article
128 affirme, de manière non équivoque, la procédure d'opposition
administrative pour les amendes et condamnations pécuniaires.
Ces deux articles institutionnalisent le recours aux huissiers de Justice dans une phase préalable dont sont exclus les huissiers du Trésor. Ce recours est même rendu obligatoire pour le recouvrement des produits des collectivités locales. On le voit, la mission de recouvrement du Trésor public est à l'agonie au profit d'intervenants extérieurs.